Les données ont permis au Sénégal de gérer la crise du COVID-19 tout en poursuivant sa lutte contre le paludisme
Lorsque le Sénégal a pris la mesure de la pandémie de COVID-19 qui touchait le monde entier, les professionnels de santé du pays ont immédiatement repensé à l'épidémie du virus Ebola en 2014. « Nous avions des craintes que la mortalité liée à cette nouvelle maladie soit similaire à celle du virus Ebola », explique Alioune Badara Ly, le directeur adjoint du Centre des opérations d'urgence sanitaire du Ministère de la Santé et de l'Action Sociale à Dakar. Lors de l'épidémie du virus Ebola, la mortalité a explosé dans toute l'Afrique de l'Ouest, pas uniquement à cause du virus lui-même, mais aussi de la peur de le contracter, qui a conduit la population à refuser de se soigner pour les autres maladies , comme le paludisme.
« Au début de la pandémie, nous avions également peur que cette situation se reproduise et que tous les progrès réalisés ces dernières années en matière de lutte contre le paludisme soient réduits à néant », explique Hana Bilak, conseillère technique spécialisée dans la lutte contre le paludisme de PATH, une organisation à but non lucratif partenaire de Tableau Foundation et qui aide les pays à renforcer leurs systèmes de santé et favoriser l'équité en matière de santé.
La crise du COVID-19 n'a pas empêché le Sénégal de poursuivre ses initiatives de lutte contre le paludisme. En outre, le pays est rapidement parvenu à adapter les systèmes de données en matière de santé déjà en place en ajoutant les données liées au COVID-19 aux tableaux de bord de surveillance de l'évolution du paludisme et des visites dans les centres de santé pour un suivi simultané des indicateurs sur les deux maladies. « Les autorités doivent être en mesure de surveiller ou gérer plusieurs maladies ou épidémies en même temps », explique Alioune Badara Ly. « Pour ce faire, il est indispensable de disposer de données à jour sur ces maladies ou ces épidémies. »
L'objectif de la collaboration de PATH avec des pays comme le Sénégal, la Zambie et la République démocratique du Congo est de faciliter l'utilisation des données pour obtenir une vue globale des problèmes et systèmes sanitaires à l'échelle nationale. Il constitue la pierre angulaire de l'initiative Visualize No Malaria, qui a désormais été adaptée dans six des pays du continent.
En permettant aux professionnels de santé de s'affranchir de systèmes de données spécifiques à une crise et de surveiller plusieurs maladies et leurs conséquences en même temps, les autorités peuvent réagir rapidement, attribuer les ressources sanitaires nécessaires et optimiser les campagnes d'information publique destinées à prévenir la transmission du COVID-19, du paludisme et d'autres maladies contagieuses. La réussite du Sénégal dans sa gestion de la crise du COVID-19 confirme l'efficacité de cette approche. Le pays a bien su gérer l'épidémie, et l'augmentation du nombre de cas en février dernier suite à la levée de certaines restrictions a rapidement été maîtrisée.
« Chez PATH, nous avons pu aider l'équipe au Sénégal à utiliser ses tableaux de bord sur le paludisme en y ajoutant simplement un onglet montrant le nombre de cas de COVID, ainsi que le nombre de patients dans les structures de santé », explique Hana Bilak. Ces données multicouche permettent au Ministère de la Santé et de l'Action Sociale de poursuivre sa gestion efficace contre le COVID-19, tout en s'assurant que la lutte contre les autres maladies n'est pas reléguée au second plan. « Les données nous permettent de surveiller l'impact du COVID sur la prestation de services de santé et le fonctionnement des autres programmes, comme celui de lutte contre le paludisme », explique Alioune Badara Ly. « Ces informations concrètes nous permettent de prendre les mesures nécessaires pour atteindre nos objectifs en matière d'éradication ou de contrôle. »
Tableau de bord de suivi des cas de COVID et des visites dans les centres de santé au Sénégal (avec l'autorisation de PATH).
Au lieu de chercher à gérer les problèmes sanitaires de manière compartimentée, PATH se focalise sur la collaboration avec des partenaires nationaux pour renforcer les infrastructures numériques permettant le suivi des maladies de manière globale.
« Quand le Ministère [de la Santé du Sénégal] identifiait dans le tableau de bord une région particulière où le nombre de patients dans les structures de santé a fortement chuté, il pouvait lancer une campagne de communication pour inciter la population à se faire soigner en cas de fièvre, en rappelant que le paludisme était toujours présent », explique Hana Bilak. « Les professionnels de santé ont pu utiliser le tableau de bord de manière très flexible, et un tel accès aux informations s'avère extrêmement utile. »
Une approche globale de la santé basée sur les données
Cette réussite constitue une avancée en partie technologique. En étant déjà familiarisés avec des outils comme Tableau, les membres du Ministère de la Santé ont pu rapidement adapter leurs tableaux de bord et leurs systèmes à ce nouveau défi. Mais cette réussite montre également un changement de culture des données au sein des autorités nationales et l'évolution des relations avec les sponsors privés et publics des programmes de santé dans le monde.
« Les autorités et les responsables de programmes dans les pays dans lesquels nous œuvrons sont peut-être effrayés par les données, car elles sont avant tout perçues comme un outil servant au reporting pour leurs responsables ou sponsors. Avec une approche digitale de la santé, les mentalités changent, et les données sont désormais utilisées de manière proactive comme outil permettant de prendre des décisions », explique Hana Bilak. « En changeant de mentalité, les utilisateurs commencent à comprendre qu'avec des données de meilleure qualité, ils peuvent prendre des décisions éclairées, potentiellement maximiser leurs ressources et réagir immédiatement aux épidémies. »
Avec une approche digitale de la santé, les mentalités changent, et les données sont désormais utilisées de manière proactive comme outil permettant de prendre des décisions.
Si la pandémie de COVID-19 a très certainement accéléré l'intégration des données de santé pour le Sénégal, les démarches étaient déjà en cours. Avant la pandémie, PATH avait reçu un financement de la part de la fondation Bill et Melinda Gates pour renforcer la robustesse des centres d'opérations d'urgence (qui sont mis en place en période de crise pour coordonner les actions de divers intervenants), et leurs capacités d'utilisation des données. Les centres d'opérations d'urgence étant destinés à gérer les situations d'urgence, le maintien des effectifs et des capacités est difficile sur le long terme. PATH, grâce au financement de la fondation Bill et Melinda Gates, comptait collaborer avec les centres d'opérations d'urgence locaux pour intégrer la lutte contre le paludisme à leurs actions. Le paludisme connaît généralement des pics saisonniers et est très présent dans les pays de la région. Il est important de développer durablement les capacités des centres d'opérations d'urgence pour leur permettre de réagir rapidement aux nouvelles crises, plutôt que de leur demander d'adapter leur dimensionnement en fonction des besoins.
« Notre objectif était d'aider le centre d'opérations d'urgence à créer et gérer des tableaux de bord sur le paludisme, avec des capacités pouvant également servir à surveiller d'autres maladies, grâce à des tableaux de bord similaires », explique Hana Bilak.
Elle explique également que l'intégration des données sur le COVID-19 à ses tableaux de bord sur le paludisme constitue la première phase de la transition du Sénégal vers la mise en place d'un centre d'opérations d'urgence intégré et basé sur les données. En surveillant étroitement les données sur les cas de COVID-19 en même temps que le nombre de patients dans les structures de santé, le pays a amélioré sa réactivité dans un contexte d'incertitude. « Dans les premiers mois de la pandémie de COVID-19, le nombre de patients se rendant dans les structures de santé au Sénégal a effectivement légèrement baissé », explique Hana Bilak. « Mais si l'on regarde les chiffres de fin 2020, les données montrent un nombre de patients similaire aux autres années, ce qui souligne l'efficacité de ce programme pour surveiller les données et prendre les mesures adéquates. »
Le futur de la santé basée sur les données
De la même manière, en République démocratique du Congo, PATH collabore avec le centre d'opérations d'urgence national et avec des partenaires de Bluesquare pour créer un tableau de bord Tableau destiné à surveiller l'évolution de la situation pour 22 maladies différentes. La RDC est le plus grand pays d'Afrique subsaharienne. Le paludisme y est endémique, les épidémies fréquentes, et ce pays représente 12 % de tous les cas signalés dans le monde. « Vous pouvez facilement imaginer à quel point il serait utile d'avoir un tableau de bord qui surveille l'évolution des maladies et identifie les épidémies en temps réel, pour permettre de prendre des mesures efficaces sans impacter les autres services de santé », explique Hana Bilak.
La solution peut sembler simple au premier abord, mais l'objectif de PATH, qui fait de cette organisation un partenaire solide pour les initiatives de santé publique de tous les pays, est de tenir compte des circonstances propres à chaque pays, pouvant constituer des obstacles dans l'adoption d'approches digitales de la santé.
À la différence de la Zambie et du Sénégal, qui sont des pays de taille plus réduite et disposent d'une infrastructure davantage axée sur le digital, la RDC est un pays étendu, composé de 26 provinces, avec de grandes disparités au niveau de la couverture des réseaux mobiles et de l'infrastructure numérique. « De grands changements se préparent en RDC, et le passage à une approche numérique de la santé suscite un grand engouement », explique Hana Bilak. « Mais nous n'en sommes qu'au tout début de cette transition. Tout est encore très décentralisé et les autorités n'utilisent que très peu les outils numériques à l'heure actuelle. »
Au final, l'objectif de PATH est de faire en sorte que les systèmes numériques créés par l'organisation en partenariat avec des pays comme le Sénégal deviennent autonomes. Le développement des capacités d'exploitation des données et les programmes de formation sont des éléments essentiels dans cette stratégie. En Zambie, pays pionnier en la matière avec l'approche Visualize No Malaria en 2015, le programme a décollé lorsque les professionnels de santé, à tous les niveaux de la chaîne, ont compris l'intérêt de collecter des données et de les partager dans un référentiel centralisé, qui vient alimenter tous les tableaux de bord qu'ils utilisent. « Nous avions mis en place un circuit de feedback entre les données envoyées vers le référentiel et les données utilisées pour prendre des décisions », explique Hana Bilak. Les initiatives de collecte de données et de reporting ont permis de créer un système qui simplifie le travail de tous les utilisateurs, puisqu'ils pouvaient accéder à toutes les données de manière centralisée, sans devoir aller les chercher dans différentes feuilles de calcul. »
Au Sénégal, les professionnels de santé et PATH devaient agir rapidement pour intégrer les données sur le COVID-19 aux systèmes existants. Pourtant, pour Hana Bilak, il ne s'agit pas là d'une réponse en réaction à une épidémie ponctuelle, mais de la première étape d'une nouvelle approche de la gestion des données sanitaires. « Suivant votre rôle dans le système de santé, vous ne comprendrez peut-être pas immédiatement ce que ces tableaux de bord et données peuvent vous apporter. Mais si nous regardons l'année qui vient de s'écouler, il apparaît clairement que ces outils ont permis de faire la différence », explique-t-elle. « Il faut simplement réussir à comprendre la puissance de données et tout ce qu'elles permettent de réaliser. »
Pour en savoir plus sur la collaboration de nombreux pays avec PATH autour des données sur le COVID-19, inscrivez-vous au PATH Live forum le 16 juin 2021 à 8 h (heure du Pacifique) sur la promotion de l'équité en matière de santé grâce aux données et à l'analytique.
Pour en savoir plus sur la manière dont Tableau facilite la lutte contre le COVID-19 grâce aux données, rendez-vous sur le Hub de données Tableau sur le COVID-19.
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